(montage: *Princesse Sissi* pour le Parfum de la Dame en Noir)Du livre au film...la lecture du roman avant la vision promet de nombreuses intrigues se jouant dans un clin d'oeil, un geste hâtif du bras...L'adapatation cinématographique est, à mon avis, BONNE...si on la prend comme détachée du roman.
Le lecteur fidèle de Gaston Leroux attend avec impatience la fameuse scène du train, une impatience mêlée d’anxiété puisqu’il attend et espère le retour de Larsan.
Le film s’ouvrira donc sur une déception pour lui : Mathilde, Larsan, Darzac dans la terrible nuit du compartiment ont tout simplement été escamotés.
Nous retrouvons les Darzac au fort d’Hercule, en compagnie des Rance ; Rouletabille et Sainclair se joignent à eux ; l’action démarre. Intriguante, attirante ; mais le spectateur déçu ne peut s’empêcher de regretter la disparition de la toute première scène « ??? » du roman.
Une décision du metteur en scène prend le lecteur totalement au dépourvu : le Père Jacques, fidèle serviteur des Stangerson dans la Chambre jaune, ne fait qu’un avec le Vieux Bob, oncle d’Edith Rance!
Version du livre : le vieux Bob : « un type extraordinaire qui était aussi célèbre par ses aventures d’explorateur que par ses découvertes de géologue. Il était doux comme un mouton mais n’avait pas son pareil pour chasser le tigre des pampas » C'est un personnage "piquant" de l'histoire, une sorte de double du professeur Stangerson toujours présenté dans les nuages.
Le Père Jacques, lui, est toujours le même serviteur fidèle de
la chambre jaune sans aucune affinité de caractère avec le Vieux Bob. Il a suivi le docteur Rance au fort d'Hercule, et se retrouve donc tout naturellement lié au deux drames, celui de La chambre Jaune et celui de la Dame en Noir. (qui ne font qu'un en fait, mais c'est une autre histoire...)
Version du film: le Père Jacques, identique au niveau de ses fonctions à ce qu'il était dans la Chambre Jaune, a rejoint les Rance au fort d'Hercule.
Discordance: le Vieux Bob a disparu; et Mrs Edith Rance s'est prise de tendresse pour le vieux serviteur qu'elle appelle (pourquoi?? se demande le spectateur, perplexe)
son Vieux Bob. Le mariage de Robert&Mathilde:
dans le livre, l'ambiance est étrange: "Mon Dieu, que votre Saint Nicolas du Chardonnet est une chose triste! Décrépite, lézardée, crevassée, sale, non point de cette saleté auguste des âges qui est la plus belle parure des pierres, mais [d'une] malpropreté ordurière et poussiéreuse, cette église, si sombre en dehors, est lugubre dedans. [...] Et c'est dans cette obscurité funèbre qu'on allait célébrer le mariage de Robert Darzac et de Mathilde Stangerson!J'en conçus une grande peine, et tristement impressioné, en tirai un fâcheux présage. " (p8)
Gaston Leroux met son lecteur dès les premières lignes dans une atmosphère étrange et triste, tellement peu apropriée à un mariage, prélude à quelque évènement inquiétant.
Version du film: l'Eglise est petite, ensoleillée et presque gaie; le prêtre frise le ridicule par un ton outré; insistant lourdement sur le passé de Mathilde et Robert.
Attention: dévoile la fin...La substitution Darzac-Larsan change également de contexte.
le livre: Robert Darzac, malade et fatigué, suite notamment à une explosion en laboratoire (occasionnée par un complice de Larsan) part se reposer dans le Midi de la France. Quelques temps avant son mariage, un individu répondant exactement au signalement de Robert Darzac, mais qui n'est pas Robert Darzac, revient à Paris.
Le véritable Robert Darzac est enfermé dans un asile de fou, enlevé au cours d'une promenade dans le Midi.
Larsan épouse donc Mathilde Stangerson sous les traits de Darzac.
Le film: Le confessional imposé par le prêtre aux futurs nouveaux époux étaient en réalité une sorte de chaise tournante; et
Robert Darzac, médusé, se retrouve hors de l'église; la substitution s'opère; Larsan déguisé en Darzac prend sa place, sortant du confessional et épouse Mathilde Stangerson sous les traits de Darzac.
Le Prince Gallitch du film et celui du livre....font 48. Ils n'ont absoluement rien de commun, sauf peut être le côté
Russe distingué mais le côté
fierté, dignité du personnage présente dans le livre disparait.
Dans le roman: Le prince Gallitch, bien que criminel à sa façon, a de la "classe", des manières; il n'est pas un personnage ridicule, serait même inquiétant. Il inspire un certain respect au lecteur, notamment à la fin du livre où il envoie une lettre de menace à Rouletabille; son rôle flou tout au long du roman s'éclaircit: un simple Prince, agitateur Soviétique réfugié en France, inquiété par Rouletabille.
Dans le film: cette image s'esquisse vaguement dans les premières scènes de l'apparition de Larsan. mais s'évapore rapidement: Gallitch est en effet le complice de Larsan, et l'a aidé à séquestrer Darzac! Aucun lien de vraisemblance n'unit les deux versions; il est vrai qu'à partir du moment où Darzac n'a plus été enfermé dans un asile de fou, mais dans une maison spécifique pour grands malades en face du château d'Hercule, la présence de Gallitch se justifie.
Il est cependant regrettable qu'il est perdu le rôle étrange parce que non réellement défini qu'il avait dans le livre; même si le choix du metteur en scène sert le film.
Dans le film, une des scènes les plus importantes, révélatrice du talent de l'auteur, du génie fou de Larsan et véritable casse tête pour le lecteur...disparaît tout bonnemement.
La scène dont j'attendais le plus ne prend plas place; et les évènements en sont même totalement modifiés!
Voyons cela:
Le livre:
Chapitre XVIII Midi, roi des épouvantes.
(le titre même est intrigant: l'heure de midi, plein milieu de la journée, correspond en général à la lumière, au soleil, et contribue à rassurer. Ici, soleil et lumière aveuglent, troublent la vision et font douter d'avoir toute sa tête: car enfin, comment un homme peut il mourir assassiné sous les yeux de quatre témoins??
Et pourtant: essayant de décrocher un blason soit disant dangereux, Rouletabille fait successivement lever le bras avec une canne à Darzac, Sainclair, Mrs Edith et lui même, sous une poterne de la cour.
Au bout de la cour, le père Bernier a assisté à toute la scène; et soudain
le cri de la mort retentit; il s'effondre, transpercé d'un silex, un nom à la bouche: Larsan!
Une fois encore, le problème de l'illusion sur scène a sans doute joué. Bernier ayant en effet reconnu Larsan dans Darzac grâce au gest et à la canne, terrifié, trébuche....et la suite est à lire.
Piquant et véritable casse tête pour un pauvre lecteur (ou une pauvre lectrice...), cette scène est un pilier du roman.
Dans le film: elle est ramené au prince Gallitch transpercé d'une flûte par une des "ses petites fées". Mourant, celui ci s'écroule au pieds des habitants du chateau stupéfaits, et murmure
Larsan. Mais cette fois ci, étant le complice de Larsan, il sait dans la peau de qui se cache le criminel: la stupeur et l'admiration ressentie par le lecteur lors des explications données par Rouletabille disparaît. Dommage...
La scène final, atteint un caractère, une dimension, relevant presque du tragique dans le livre: découvert, Larsan s'enferme dans une chambre. Lorsque les habitants du fort d'Hercule forcent la porte, ils découvrent Larsan
"tranquillement assis dans un fauteuil, au milieu de la pièce, [les regardant] de ses grands yeux calmes et fixes. Ses bras s'allongeaient aux bras du fauteuil. Sa tête s'appuyait au dossier. On eût dit qu'il [leur] donnait audience et qu'il attendait qu'[ils lui exposent leurs revendications].
[...]Alors Rouletabille le toucha à la main et au visage et [ils s'aperçurent] que Larsan était mort." (p.266)
Délivrés, soulagés, Mathilde et Robert se retrouvent enfin, pour de bon. La découverte cependant de Larsan dans son fauteuil, assis comme s'il les jugeait encore d'au delà de la mort donne des frissons dans le dos. Sainclair lui même croit le voir sourire. Illusion?
Dans le film: scénario mélodramatique assez éloigné du roman: découvert, Larsan s'enfuit au sommet d'une tour. Il se jette du sommet du donjon, et s'écrase au bas du fort.
Mort plutôt "banale" pour un tel meurtrier; mort sans réelle mise en scène; car enfin, comment un criminel tel que Ballmeyer-Jean Roussel-Frédéric Larsan pourrait il se résoudre à quitter ce monde sans un dernier coup, un dernier trait de génie? Une dernière image hantant les rescapés?
Ci dessus, donc, les principaux changements influents sur le déroulement du roman.
D'autres modifications mineures:
-les trois petites vieilles du prince sont devenues des pmetites fées, jeuens et belles infirmières
-la carte de l'Australie a disparu, celle sur laquelle Sainclair se basait pour démêler le vrai Darzac du faux;
-la mère Bernier est devenue l'amante de Gallitch; elle semble d'ailleurs avoir un caractère assez étrange, malsain, très différent du personnage qu'elle incarne dans le roman;
-le professeur Stangerson prend les traits d'un vieil homme à moitié dans les nuages "on dirait que nous sommes en plein drame..."
à suivre:
"L’adaptation cinématographique :fidélités//infidélités (B)"